Changer

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C’est quelque d’habituel. Une action mêlant excitation et crainte. Excitant grâce les perspectives nouvelles et sympas qu’il peut amener. Effrayant à cause des échecs, remords et regrets qu’il pourra apporter.

Le changement est un mélange entre l’encre noire du passé, chargé, et une encre blanche encore vierge du turfu, le résultat étant un putain de présent au flou grisé. Rarement fortuit, de temps en temps attendu, parfois forcé, souvent craint, toujours imprévisible, le changement, c’est maintenant que j’en parle (je suis vraiment désolée).

Lorsque quelque chose change, le premier réflexe de tout être humain est de comparer à ce qui était avant mais qui n’est plus maintenant, et inversement. Ce n’est pas forcément en termes de qualité impartiale que l’on compare le passé et le présent ; quand notre main chaude touche quelque chose de froid, on ressent quelque chose d’autant plus glacé, mais cela ne veut pas dire qu’il l’est. C’est avec notre perspective, nos sens, notre jugement, notre expérience, une vision purement subjective que nous voyons la différence entre le passé et le présent. En gros, arrêtez de nous faire chier avec vos « c’était mieux avant ». Je suis consciente des améliorations pourries et des évolutions inutiles. Tout comme je suis consciente qu’il y a des choses qu’on n’arrive pas à apprécier parce qu’un rapprochement systématique avec ce qui nous est  familier est fait. Un manque d’œil neuf nous rend aveugle. Aveugle à la nouveauté, au changement qui bouleverse ce à quoi nous sommes habitués. Comme si ce à quoi nous avions été confrontés à une période antérieure jouissait forcément d’une priorité dans nos affinités. Et la réponse à cette manière de voir les choses est toujours la même « on a toujours fait comme ça » « ouais mais je préfère les trucs que j’ai vu en premier ». Alors, l’aversion de l’innovation serait-elle liée à une flemmardise intellectuelle ? Ou plutôt une nostalgie invétérée ?

Parce que non, les nouveaux Pokémons ne sont pas plus moches, le nouvel iPhone n’est pas plus moche, le nouveau James Bond n’est pas plus moche. C’est vous qui l’êtes. Et comme je suis bien lancée, non, le dernier Star Wars n’est pas plus « nul » que les autres. Si jamais vous oubliez cela, regardez La Menace Fantôme une nouvelle fois en essayant de vous taquiner légèrement la crista galli avec une tronçonneuse.

Parfois, on aime juste constater qu’il y a une différence, simplement parce qu’alors cela veut dire qu’on n’a pas stagné. Parfois, on aime voir que des choses sont restées les mêmes pour entretenir un sentiment de sécurité et de familiarité.

Et parfois, on veut juste dire nique sa mère à ce qui était, ce qui est et ce qui sera.

De ce que je me souviens, les changements ont toujours été des choses qui passaient mal mais qui, au final, étaient nécessaires. Par flemmardise, la personne que j’étais parfois disait oui à ce que celle que je suis maintenant refuserait. Parce que c’était trop chiant de dire non, trop chiant de créer un conflit, de devoir protéger son avis, de lui filer un sabre laser, une armure et de devoir l’aider à se défendre. De risquer une défaite, de risquer de voir que son opinion n’était pas bien construite, avec des arguments en carton. Non, c’était bien plus facile de s’asseoir et d’accepter la défaite plutôt que d’essayer et de se fatiguer pour peut-être réussir quelque chose qui aurait peut-être eu des conséquences néfastes. Parce que oui, parfois je préfère une défaite confortable plutôt qu’une victoire amère.

Inversement, des décisions ont été prises brusquement, des jugements ont été hâtifs et trop de fois on fonce dans le mur sans penser qu’il pourrait y avoir un mec qui campe avec un AK-47 de l’autre côté. Alors on apprend à marcher plus lentement, à s’imposer malgré la difficulté et à se faufiler derrière elle, à prendre son temps et réfléchir aux conséquences. Et à lui trancher la gorge à l’opinel.

Les changements les plus fréquents concernent surtout les relations sociales. Principalement parce que les relations sont dures à entretenir, que vos interactions avec certaines personnes ont une date d’expiration, que vous n’êtes plus la même personne qu’avant, qu’elles non plus, qu’il y a de ces gens à qui on a plus rien à dire, que ce que vous dites quand on vous demande « comment ça va » c’est un vrai mensonge et une fausse réponse que vous donnez : « bien. ». J’ai appris ce qu’étaient réellement l’importance des relations sociales à la fac. C’était un environnement nouveau avec des bâtiments trop grands, des escaliers que je n’avais jamais foulés, des bancs sur lesquels je ne m’étais jamais assise. Et pourtant, c’est sur ces bancs inconnus que j’y ai rencontré des gens que je connais toujours. Pas meilleurs, pas nazes, mais des gens qui me correspondaient. Ca a pris le temps que ça a pris, mais ça a marché. Il y a eu des connards, des connasses, des timides, des inintéressants, des fougueux, des gens superbes, des fils de putes, des fils à papa ; souvent ces deux derniers allaient ensemble.

Cela dit les changements les plus durs ont toujours été les ruptures. Certaines beaucoup plus que d’autres. En outre le fait que vous coupez un lien fort avec une personne spéciale, il y a aussi le fait de se dire que celui ou celle avec qui vous disiez je t’aime peut crever sous vos yeux sans que vous ne sourcillez. Avec la rupture vient son lot de questions.

Qu’elles ont été mes erreurs ? Est-ce que je peux changer ça ? Est-ce que j’en ai envie ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce qu’elle/il valait le coup ? Comment est-ce que ça pourrait être mieux avec quelqu’un d’autre ? Est-ce que ça sera aussi bien ? Est-ce que je vais ressentir quelque chose de nouveau ? Est-ce que c’est toujours illégal de tuer ?

Est-ce que j’ose tomber amoureux une nouvelle fois ?

Et toutes ces conneries.

Et puis c’est reparti : Vous sortez d’une relation, c’était long et chiant, un peu comme un film de série B, et vous devez vous remettre en selle. Sur un vélo, ou sur un mec, ou une meuf ou la toute dernière poupée gonflable à moitié prix que vous venez de dégoter dans une benne dans une petite banlieue de Marseille. Entre deux coups de feu vous vous êtes emparé de la gourgandine en silicone, vous l’embarquez sous un bras comme vous aviez l’habitude de le faire en boîte avec des filles un peu trop ivres et pas assez vêtues. Remarquez, les deux ne se débattent pas beaucoup.

C’est à ce moment-là que vous prenez vraiment conscience du confort dans lequel vous vous étiez engouffré en étant en couple, de cet espèce de canapé de plumes qui vous avait accompagné tout le long de votre relation : vous n’aviez plus besoin de draguer mais au moment où on s’y attend le moins : vous avez mis du sparadrap sur votre petit cœur et de nouveaux draps sur votre grand lit. Vous rencontrez une jolie personne. Si elle était comestible, elle serait de la glace au cookie. Il vous plaît. Vous le draguez, vous discutez pas mal le soir, vous vous voyez de temps en temps, vous vous embrassez après avoir bu du vin, vous tombez amoureux petit à petit. C’est reparti. S’en suivent alors de nouvelles questions :

Est-ce que ça sera mieux ? Est-ce que ça va encore se passer comme la dernière fois ? Est-ce que je l’aime ou est-ce que je veux qu’on m’aime ? Est-ce que je viens de faire une rature sur mon ancienne relation pour en placer une nouvelle à côté, ou bien est-ce que j’ai pris une nouvelle page ? Est-ce que j’ai jeté tout le cahier pour en prendre un nouveau ? Est-ce que je garde l’ancien quand même ? Qu’est-ce que je dois faire ?

Et de même, s’en suit de nouvelles résolutions :

Je n’accepterai plus jamais ça. Jamais plus je ne ferai ça. Cette situation ne se représentera plus jamais. Je n’autoriserai plus cela. Vous vous lancez de nouveau dans un couple avec une dynamique différente.

Parce que c’est nouveau à chaque fois. Parce que vous avez en face de vous une personne différente avec sa petite valise posée à côté de lui. Qu’il est là, prêt à monter dans votre voiture pendant que vous lui allumez les sièges chauffants et passez Bohemian Rhapsody  alors qu’il s’installe confortablement. Vous êtes là, avec toutes ces choses que vous avez apprises sur l’amour, tout ce qui fait qu’au final, une nouvelle personne est tombée amoureuse de vous. Vous êtes un téléphone sur lequel on a ajouté de nouvelles applications, un nouveau fond d’écran et en sonnerie Hotline Bling. Les relations précédentes vous ont forgé de manière à ce que vous soyez prêt à rentrer dans le game. A vous mouvoir dans l’autoroute de l’amour. Vous savez désormais quand est-ce qu’il faut savoir continuer à rouler vite et quand est-ce qu’il faut s’arrêter un moment et remettre un peu de passion sans plomb à 4000€ LE MILILITRE VUE SUR LES ALPES HOTEL SPA 42 ETOILES SANS VIS-A-VIS TOILETTES CHAUFFANTS PQ EN VISON 100% PUR VISON WALLAH C’EST VRAI dans le réservoir de votre couple. Suivant cette métaphore, vous savez aussi très bien quand est-ce qu’il faudra donner un coup de frein sec en espérant que l’autre s’étouffe avec la ceinture de sécuritey.

Et ne croyez surtout pas ce qu’on raconte sur les Soulmates, ce n’est qu’un concept créé dans l’unique but de vous gâcher la vie. Un concept bien trop simpliste et enfantin pour s’appliquer à la difficulté des relations humaines, un concept dans lequel on accorde plus d’importance à l’idée de ce qu’est la personne plutôt qu’à ce qu’elle est vraiment. Par cette logique, si vous croyez à l’âme sœur, vous êtes également un égocentrique qui peint quotidiennement une auréole à votre effigie autour de votre compagnon, une auréole de perfection qui ne fera que l’étouffer et l’empêcher d’être ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire, tout sauf une âme sœur. Ce n’est pas parce qu’une autre personne aime les mêmes stupidités que vous qu’elle vous est prédestinée.

La personne qui vient de rompre avec vous n’est pas la fille qui vous correspondait le plus sur la Terre. Parce que si vous n’êtes plus ensemble il y a une raison. Et même si les circonstances ne permettent pas de blâmer l’un de vous deux, ces circonstances sont arrivées et ont fait que d’une façon ou d’une autre les choses ne peuvent pas bien redémarrer. Vous pouvez croire au Karma, et même au destin si vous êtes un peu farfelu sur les bords (comprendre : vous êtes naïf et grave chelou).

Ce n’est pas simplement une question de croix à mettre dans des petites cases, vous n’êtes pas juste là à voir les nouvelles fonctions de votre compagnon, c’est pas un nouvel aspirateur, et même s’il partage quelques compétences de succion avec notre petit compagnon bruyant de ménage, non, ce n’en est pas un.

Alors se relancer dans une relation et partager un petit bout de chemin, ou préférer quelque chose de nouveau c’est avant tout faire preuve d’énergie pour donner sa chance à des choses ou des gens et ensuite décider selon ce qui se passe. Et au final, il y a quelque chose de merveilleusement horrible dans le fait de relancer quelque chose, de recommencer là où avant il n’y avait qu’un échec. Et d’attendre de voir la réponse du futur. Parce que l’échec rend le succès d’autant plus gratifiant.

4 commentaires sur “Changer

  1. luke74 dit :

    N’empêche, DGS c’était mieux avant.
    (jk, bel article, j’aime bien, pouce vert ect… (Y) )

  2. je vais faire comme luke74 : « n’empêche » qu’on sent le changement de prod dans le dernier Star Wars. Et que perso le jeu de Rey ne m’a pas emporté. Cela dit j’ai adoré ❤ Mis à part ça, très bel article qui fait pas mal écho de mon coté ahah

    • smirnnoff dit :

      Haa je déteste juste qu’on dise « le dernier Star Wars il est nul parce qu’il y a des choses qui rompent avec les autres, je veux dire c’est pas constructif comme critique. Soit c’est nouveau et on aime pas soit c’est pas nouveau et c’est juste redondant. Mais on a tout a fait le droit de le détester tant qu’on va plus loin 🙂

      Merci sinon ☺️

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